Les amours sont comme les saisons, comme elles, elles passent et se répètent, mais sans jamais être les mêmes. Le nôtre aussi s'en est allé; et mes souvenirs dérivent au gré de ses saisons...

Son printemps plein de fougue et de promesses, de renaissance après l'hiver.  Le parfum enivrant d'une complicité à fleur de peau, à fleur de mots, d'esprits qui battent à l'unisson.

L'été qui lui a succédé, gorgé de fruits et de balades, prometteur d'une récolte féconde.  Paroles escarpées et mots abrupts qu'on franchit avec légèreté.

Mais déjà l'automne figeait la sève, vidait les feuilles de leur substance, charriait d'épais nuages chargés de doutes.  Les ombres s'allongent au coucher du soleil, prémices oblongues d'une sombre saison.

Puis vint l'hiver où nous sommes, les mains glacées, les lèvres sèches.  Le coeur cherchant à tâtons les derniers rayons du soleil, mais déjà sachant qu'il devra vivre sans eux.  Les mots, autrefois tendres compagnons, maintenant se cherchent sans se trouver.  Les yeux ne dévorent plus, ils dévisagent, scrutent l'humeur, redoutent l'indifférence. Les mains ne caressent plus, elles creusent l'écart.  La peau n'a plus d'odeur, redevient anonyme.  Les bras n'étreignent plus que le vide de l'absence. Le corps est orphelin, la peau est dévêtue. Chacun est reparti hiverner sur ses terres, dessinant peu à peu les murs de ses frontières. 

Mais on ne sait comment partir, sans se quitter vraiment; bâtir une amitié tout en étant amants.  L'esprit se bat avec le corps, et le cœur a perdu le Nord.  On ne conduit plus la barque, c'est elle qui nous emmène, au gré de nos désirs, pour traverser l'hiver jusqu'au prochain printemps...