• L'AVENTURE DU QUOTIDIEN - EPISOD III

    Les usagers de la SNCB qui, comme moi, se rendent au travail en train, connaissent bien la promiscuité occasionnée par ce genre de transport ; particulièrement lorsque l'on est obligé de voyager aux heures de grande affluence.  Celle-ci commence sur le quai, surtout s'il y a du retard et que les passagers de plusieurs trains se côtoient subitement ; les premiers n'ayant pas encore évacué les lieux, comme à l'accoutumée, alors que les suivants pénètrent déjà dans l' «arène».  On se retrouve alors immergé dans une marée humaine, malmené sans répit par des coudes, des épaules et des sacs qui nous bousculent jusqu'à nous rendre agressifs.  Quand arrive enfin le train, une lutte sans merci s'engage entre les voyageurs qui veulent sortir du wagon et ceux qui veulent y entrer ; chacun semblant craindre que le train ne redémarre avant qu'il n'ait eu le temps de manœuvrer.  Une fois à l'intérieur, continue le « rapprochement obligé ».  Si l'on a la chance de trouver une place, c'est pour partager une banquette de trois, les cuisses effleurant ou carrément serrées contre celle des voisins « latéraux » - selon leur corpulence - et les pieds ou les genoux s'entrechoquant avec ceux des voisins « frontaux ».  Chacun le nez plongé dans son journal ou son livre feignant d'ignorer la présence des autres et le frôlement des corps.  D'autres encore serrent le plus possible  coudes et jambes ou se massent contre la fenêtre, tentant d'échapper au moindre contact physique, qui les rattrape néanmoins à chaque tressautement de la machine.
    Il arrive cependant que l'on ait la chance de faire le voyage dans un train moins fréquenté.  Ce qui ne garantit pas toujours, pour autant, que l'on échappe à la promiscuité.
    L'autre jour, en effet, j'étais seule près de la fenêtre sur une banquette de trois personnes lorsque je suis rejointe par un couple de personnes âgées Néerlandophones.  La dame vient s'asseoir à côté de moi sur la banquette et le monsieur en face de moi.  A peine assis, ils se plongent dans la lecture,  lui, d'un journal, elle d'une carte postale.  Nous nous arrêtons à la gare suivante pour embarquer quelques rares passagers et, soudain, la dame se serre contre moi, semblant vouloir ménager à un éventuel nouveau venu une place sur la banquette.  Personne ne vient.  Pourtant, elle reste là, massée contre moi ; à présent si proche que son bras repose sur le mien comme sur un accoudoir.  Je bouge et soupire, tentant de lui faire comprendre mon inconfort.  Je voudrais lui demander de reculer, de me restituer un peu d'intimité, minimale et légitime ; mais je n'ose pas.  Son mari est là, en face de moi, qui lit son journal.  J'ai peur qu'ils le prennent mal.  Ils sont deux « contre » moi.  Je suis cernée, prise dans un étau de chair vieillissante et envahissante, qui dégouline sur moi comme sur un fauteuil confortable.  Je me concentre de toutes mes forces, tentant une communication de « corps à corps », espérant lui décocher des ondes négatives chargées des pensées qui m'habitent; mais elle ne bouge pas, le nez plongé dans la pseudo lecture d'une carte postale où s'étalent trois malheureuses lignes évoquant une exposition artistique.  Pourquoi bougerait-elle ? Seules les paroles « libératrices » qui se dérobent à ma bouche pourraient l'obliger à sortir de son confort, lui rappelant que je ne fais pas partie du mobilier de la cabine.  Je me lève donc et vais attendre le prochain arrêt dans le couloir... vide, enfin !

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